« Gestes et processus dans les arts de la marionnette »

Volet 3 – 12-14 novembre 2025 – Université de Poitiers
“ Gestes de réanimation : prendre soin de la marionnette

Oriane Maubert – Université de Strasbourg, Shirley Niclais – Université de Poitiers, Nicolas Saelens – Université d’Artois
et Marie Garré Nicoara

 

Enjeux du colloque en 3 volets
Dans les arts de la scène, l’esthétique, la critique, les recherches historiques se focalisent essentiellement sur les figures de l’artiste-créateur⸱rice, qu’il⸱elle soit interprète, metteur⸱se en scène, auteur⸱rice dramatique, dramaturge. Le travail créateur et le travail technique font l’objet d’enjeux distincts, du point de vue de la formation notamment – où s’opère une scission nette entre études techniques et études sur le jeu de l’acteur⸱rice ou la dramaturgie -, du point de vue de la rémunération et de la reconnaissance également. L’artiste et le⸱la travailleur⸱se appartiennent à deux catégories bien distinctes, l’une en pleine lumière, l’autre dans l’ombre.
Cette scission semble moins nette dans les arts de la marionnette, où le geste technique et son implication dramaturgique sont souvent assumés par la même personne face au public. Dans la majorité des esthétiques actuelles, la manipulation est à vue, les coulisses se trouvent alors comme déplacées en scène : les gestes techniques, de construction du personnage, d’agencement de l’espace de jeu, habituellement invisibles sont alors visibles. L’interprète est à la fois personnage, technicien⸱ne, créateur⸱rice de formes, monteur⸱se autant que montreur⸱se. C’est précisément cette entrée technique qui nous intéressera, la persistance de ces gestes, leur visibilité dans le temps de la représentation. Comment envisager la dimension artisanale des arts de la marionnette ?
Il ne s’agira pas tant de saisir comment la marionnette figure tel ou tel geste (ce geste en marionnette) mais de porter un regard sur l’interprète et la fabrique, d’explorer de façon systématique un geste à travers des échanges avec des praticien⸱nes, constructeur⸱rices, artistes. Que se passe-t-il dans les “coulisses” des spectacles : autour et derrière la scène autant qu’en amont de la représentation ?

Il s’agira de saisir quels peuvent être d’une part les gestes communs à la création en marionnette, gestes de construction, gestes qui se déploient dans l’atelier ou gestes exploratoires au cours du processus de création et les gestes singuliers, spécifiques à une technique, une esthétique : « l’arpentage » pour la compagnie Les Mains Sales, « glaner, ramasser, entasser » pour la compagnie Turak, « bricoler» pour le Théâtre de la Licorne,… Cette exploration sera aussi celle
des lieux de la création (depuis l’influence poétique de ce qu’on voit par la fenêtre de l’atelier, mais aussi l’influence économique : combien de scénographies, de choix de matériaux se sont élaborés en fonction de la taille du camion que possédait la compagnie ?) et de ses temps (du moment de la création à celui du plateau, quelles persistances ?).
Que reste-t-il du geste rêvé dans sa confrontation à la matière ou au public ? Comment se transmettent les gestes de création ? Comment envisager la persistance ou l’effacement de la main dans les pratiques de la marionnette contemporaine ?

Résumé du volet 1 à Arras, 18 & 19 avril 2024
Ce premier volet du colloque s’est intitulé « Gestes de travail : fabriquer, créer transmettre » et s’est focalisé sur les gestes de construction, leur transmission dans les lieux de formation, comme dans la reprise de répertoire d’une compagnie, la notion de patrimoine gestuel dans les formes contemporaines comme historiques de différentes traditions, la place des constructeur.ice.s dans le processus de création des spectacles. Il s’est structuré en quatre axes, donnant la parole à autant d’artistes que de chercheur⸱ses : 1) “Gestes de travail, artisanat et fabrique en scène” interrogeant les coulisses exhibées, l’atelier inclus dans la dramaturgie, et la place de la main au plateau. 2) “Créatrices et matrimoine”, focus sur le travail de Claire Dancoisne et sur le film de Noémie Géron Les marionnettes naissent aussi. 3) “Gestes de fabrique, gestes d’animation : quelles transmissions ?”, et 4) “Formation et transmission à l’international” ont exploré les pratiques pédagogiques en Allemagne, France et Ukraine.

Résumé du volet 2 à Strasbourg – 29 & 30 janvier 2025
À la suite des deux journées du volet 1, ce volet 2 des Gestes et processus dans les arts de la marionnette a étudié la place de la scénographie en arts de la marionnette selon un spectre large : de la maquette dans l’atelier, au castelet traditionnel en passant par les plateaux immenses ou infiniment petits, jusqu’aux projections lumineuses et de mapping. Comment scénographier la marionnette ? Quelles sont les problématiques spécifiques que les arts de la marionnette soulèvent pour les scénographes et constructeur⸱rices ? Et comment est alors pensée la place des marionnettistes dans ces espaces ? En prenant appui sur la définition du geste propre aux études en danse (Christine Roquet) et en anthropologie (Marcel Jousse) où le geste est présenté comme signifiant, intentionnel, chargé, là où le mouvement serait essentiellement fonctionnel, quels sont les gestes du⸱de la scénographe contemporain⸱e pour les arts de la marionnette ? Boîte, loupe, forêt de cordages, castelet, écran,… les espaces scénographiques pour marionnette regroupent les problématiques des objets et des corps à animer, éclairer, mettre en mouvement, ainsi que les jeux de révélation/dissimulation. Par les gestes de scénographie, l’espace marionnettique est habité voire hanté des présences réelles ou induites, matérielles ou fantasmées.

Volet 3 à Poitiers – 12-14 novembre 2025
Enfin, le troisième volet de cette traversée des Gestes et processus dans les arts de la marionnette s’intéressera plus particulièrement à l’après-spectacle : comment prendre soin de la marionnette,
comment la conserver, quels gestes de réanimation pratiquer ? Et quelle(s) passerelle(s) se dessinent alors entre la figure marionnette et son image fixe ?
En partant des gestes d’archivage, qui évoquent déjà les dimensions de la conservation et du soin, on cherchera également ce qui, dans le geste de capture de l’image photographique, relève d’une forme de ré-animation. Depuis les portraits de poupées présentés dès 2003 par Gisèle Vienne jusqu’aux expériences de mises en scène de corps enfantins réifiés par Alice Laloy et son équipe3, les pratiques marionnettiques contemporaines créent des allers-retours saisissants entre l’objet et son image. Les pratiques sérielles, celles de l’édition, du montage ou encore de l’exposition participent de ces nouveaux gestes à décrire et à penser pour ce troisième volet.
Comment situer ce geste ? Qu’est-ce qu’implique le geste de photographier la marionnette ? Quelle fascination la figure de matière inerte exerce-t-elle sur les artistes qui ne sont pas forcément marionnettistes ?6 Comment trouver de nouveaux modes de conservation, au-delà de l’objet ? Et comment penser la préservation, voire la mise en valeur, du geste technique de manipulation une fois la pièce achevée ?

 

Les communications pourront s’inscrire dans l’un des 3 axes suivants :
Axe 1 : Archiver. Parfois en mauvais état ou fragilisée, la marionnette peut être tout ce qui reste d’un spectacle. Souvent, elle porte des marques d’usure qui sont les témoins de gestes répétés de manipulation, l’empreinte émouvante d’une main de marionnettiste. Il s’agira de penser ici les gestes de conservation nécessaires aux marionnettes. Restauration, papier de soie, boîte,…
Comment conserver, puis rendre accessibles ces richesses ? Quelle place les gestes techniques et les processus de création qui ont donné lieu à la marionnette peuvent-ils trouver dans l’archivage ? Quels soins, quelles temporalités pour conserver ?
Axe 2 : Exposer. Découlant de l’axe 1, cet axe se concentrera sur les expositions de marionnettes et d’éléments scéniques, de plus en plus nombreuses. Que dire du spectacle, sans le geste d’animation ? Comment exposer revient aussi à prendre soin d’un champ professionnel et artistique, faisant entrer le spectacle, a fortiori la marionnette longtemps considérée comme un art mineur, dans les musées et les galeries ? Quels regards s’échangent entre ces marionnettes fixes et les visiteur·ses en mouvement ? De l’installation à la mise en scène des objets s’opère ce que certaines études ont pu envisager comme une nouvelle dramaturgie marionnettique. Comment la penser à l’aune des dernières expositions consacrées au théâtre, à ses objets, et aux marionnettes ?
Axe 3 : Photographier. On connaît bien les liens qui peuvent se tisser entre théâtre et photographie. Ils ne se jouent pas seulement dans la composition de l’image, ce qu’on aurait trop facilement fait d’appeler la théâtralité de la mise en scène photographique. Au-delà de l’archivage et du geste technique de conservation pour “garder une trace”, la photographie peut être l’endroit de l’invention, de gestes de réanimation de la marionnette. Si l’on peut réifier le vivant en le photographiant, peut-être peut-on, à rebours, réanimer l’inerte en le photographiant ? Sur ces images, instants capturées, on pourrait soupçonner qu’un mouvement, même infime, soit possible ; que ces images en soient un fragment, le début d’un tremblement du ou dans le cadre, et qui pourrait bouleverser les registres de présence.

 

Le format des communications pourra être académique, artistique, performé.
Les propositions de communication (500 signes espaces compris) sont à envoyer, en précisant l’axe choisi, avec une courte biographie (500 signes espaces compris) à Shirley Niclais shirley.niclais@univ-poitiers.fr et Oriane Maubert omaubert@unistra.fr pour le 31 août 2025.
Le programme du colloque en trois volets fera l’objet d’une présentation publique au Festival Mondial des Théâtres de Marionnette de Charleville-Mézières mercredi 24 septembre 2025, en
présence de Oriane Maubert, Shirley Niclais et Nicolas Saelens.

 

Comité scientifique :
Marie Garré Nicoara – MCF Université d’Artois
Shirley Niclais – MCF Université de Poitiers
Oriane Maubert – MCF Université de Strasbourg
Ester Fuoco – professeure-adjointe, Université IULM, Milan
Julie Postel – docteure UPHF, artiste
Nicolas Saelens – MAST Université d’Artois, président de THEMAA, artiste
Amos Fergombé – PR UPHF
Sandrine Le Pors – PR Université Montpellier3 Paul-Valéry